Divorcer pour altération définitive du lien conjugal : la procédure expliquée

Lorsqu’un couple marié traverse une crise profonde et que la vie commune devient impossible, il est possible de demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Cette procédure permet de mettre fin au mariage sans le consentement de l’autre époux, mais sous certaines conditions strictes. Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur cette forme de divorce, de la constitution du dossier jusqu’au jugement final.

Cessation de la communauté de vie depuis au moins 1 an

Pour pouvoir engager une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, il faut avant tout prouver que les époux ne vivent plus ensemble depuis au moins 1 an au moment du dépôt de la demande. Cette séparation doit être continue et sans interruption. Concrètement, cela signifie que les conjoints doivent avoir des domiciles distincts, ne plus partager de moments de vie commune, ni avoir de relations intimes.

Il existe cependant une exception à ce délai d’1 an : si l’un des époux demande le divorce pour faute, et que l’autre décide de former une demande reconventionnelle pour altération définitive, alors le délai n’a pas à être respecté. L’altération définitive du lien conjugal est présumée caractérisée par l’existence même d’une faute rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Exemple : Marie et Paul vivent séparément depuis 8 mois suite à de graves dissensions conjugales. Marie finit par avoir une liaison extraconjugale. Paul l’apprend et l’assigne en divorce pour faute. Marie peut alors immédiatement former une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive, sans attendre le délai d’1 an de séparation.

Bon à savoir : Le divorce pour altération définitive du lien conjugal représente environ 54% des divorces contentieux en France, contre 46% pour le divorce pour faute. Il est souvent privilégié car il évite d’avoir à étaler les griefs du couple, même s’il est plus long à obtenir.

Saisir le juge aux affaires familiales par voie d’avocat

Une fois la séparation d’au moins 1 an constatée, l’époux qui souhaite divorcer doit saisir le juge aux affaires familiales. Cette saisine ne peut se faire que par voie d’assignation, c’est-à-dire via un avocat qui va rédiger et envoyer une assignation en divorce à l’autre époux. Cet acte va exposer les motifs de la demande et les mesures que le demandeur souhaite voir prononcer (prestation compensatoire, modalités relatives aux enfants…).

Une fois l’assignation délivrée, une audience de conciliation est fixée. Si la conciliation échoue, ce qui est souvent le cas en pratique, le juge rend une ordonnance de non-conciliation dans laquelle il statue sur les mesures provisoires pour la durée de la procédure (résidence des enfants, contribution à leur entretien, jouissance du logement…). Il fixe ensuite un calendrier pour l’échange des conclusions entre avocats et renvoie l’affaire à une audience pour les débats.

À noter : Les frais d’avocat pour un divorce contentieux sont libres et varient fortement selon les cabinets. Il faut compter en moyenne entre 2000 et 3000 € par époux pour l’ensemble de la procédure. Des aides existent cependant pour les personnes aux revenus modestes (aide juridictionnelle totale ou partielle).

Apporter des éléments de preuve de la rupture

Lors de l’audience, le juge va vérifier que les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont bien remplies. Il appartient donc à l’époux demandeur de démontrer par tous moyens que la vie commune a cessé depuis au moins 1 an. Pour ce faire, il peut produire des témoignages écrits de proches, des attestations sur l’honneur, des factures ou courriers établis à des adresses séparées, des baux distincts…

Il est essentiel de rassembler un faisceau d’indices concordants pour emporter la conviction du juge. En revanche, il faut éviter certains « pièges », comme les reprises ponctuelles de la vie commune. En effet, si les époux se réconcilient ne serait-ce que brièvement, le délai d’1 an est effacé et il faudra attendre une nouvelle période de séparation pour représenter la demande.

Exemple : Julie et Éric vivent séparément depuis 14 mois. Pour prouver leur séparation, ils produisent aux débats :

  • leurs baux d’appartements distincts
  • des factures d’électricité et de téléphone à leurs deux noms et adresses
  • des attestations de leurs voisins respectifs et de leurs familles certifiant qu’ils vivent bien séparément
  • des relevés bancaires montrant l’absence de dépenses communes

L’époux défendeur peut demander réparation de son préjudice

Lors d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’époux qui subit cette procédure contre sa volonté peut demander des dommages et intérêts. Pour cela, il doit démontrer que le divorce lui cause un préjudice d’une particulière gravité, matérielle ou morale. Il en est ainsi lorsque la rupture porte gravement atteinte à sa réputation, à ses conditions d’existence ou à ses liens avec les enfants.

Dans tous les cas, le juge statue également sur les conséquences du divorce, comme l’octroi d’une prestation compensatoire pour corriger la disparité créée par la rupture, le montant d’une éventuelle pension alimentaire pour les enfants, l’attribution du logement familial ou encore l’exercice de l’autorité parentale. Ces différents points sont tranchés en fonction de la situation de chaque époux et de l’intérêt des enfants.

Bon à savoir : La prestation compensatoire n’est pas automatique. Son montant et ses modalités (capital en une ou plusieurs fois, rente viagère, forfait en nature…) dépendent des besoins de l’époux bénéficiaire et des capacités de l’autre. En cas de disparité importante des revenus, elle peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros.

La possibilité de changer de procédure en cours d’instance

Même si une procédure de divorce pour altération définitive a été engagée, les époux ne sont pas obligés d’aller jusqu’à son terme. À tout moment, l’un ou l’autre peut solliciter un changement pour passer à une procédure plus apaisée, comme le divorce par consentement mutuel. Pour cela, les deux conjoints doivent manifester leur accord et signer une convention réglant les conséquences de leur séparation.

Il est aussi possible de transformer la procédure en divorce accepté, si les époux s’accordent sur le principe de la rupture du mariage tout en laissant le juge statuer sur ses effets. Ce changement allège grandement la procédure en supprimant notamment la phase des débats contradictoires. Il est donc plus rapide et moins onéreux d’y recourir si l’on parvient à s’entendre en cours d’instance.

Exemple : Après 2 ans de procédure de divorce pour altération définitive, Lucie et Romain, qui s’opposaient fortement sur la prestation compensatoire et la résidence des enfants, finissent par trouver un accord. Ils demandent alors au juge de constater leur accord et prononcent un divorce par consentement mutuel sur le fondement de l’article 247 du Code civil. Cela leur permet de mettre fin immédiatement à l’instance.

Des solutions pour anticiper et apaiser la rupture

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal reste une procédure longue et complexe, qui nécessite le respect de conditions précises. Son grand intérêt est de permettre à un époux de divorcer même si l’autre s’y oppose, sans avoir à prouver une faute de sa part. Mais ses lourdes contraintes procédurales en font souvent un ultime recours, quand le dialogue est définitivement rompu.

Pour anticiper et adoucir les conséquences d’une éventuelle séparation, il existe des solutions en amont. On peut ainsi conclure un contrat de mariage pour fixer les règles de répartition du patrimoine en cas de divorce. Il est également possible de recourir à la médiation familiale pour renouer le dialogue et éviter une procédure judiciaire, ou encore de consulter un thérapeute de couple.

Enfin, en cas de divorce conflictuel, de nombreuses associations et groupes de paroles peuvent aider à surmonter cette épreuve sur le plan psychologique. N’hésitez pas à vous rapprocher d’eux. Dans tous les cas, pour mener à bien cette procédure, il est indispensable de se faire assister par un avocat spécialiste du droit matrimonial, qui saura constituer un dossier solide et défendre au mieux vos intérêts.

Le jugement de divorce et ses possibles recours

Au terme de la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui dure en moyenne entre 12 et 18 mois, le juge aux affaires familiales rend son jugement. S’il considère que les conditions sont réunies, il prononce le divorce et statue sur l’ensemble de ses conséquences (prestation compensatoire, pension alimentaire, autorité parentale, nom d’usage, liquidation du régime matrimonial…).

Ce jugement est exécutoire de plein droit, ce qui signifie qu’il s’applique immédiatement même s’il est frappé d’appel. Chaque époux doit donc respecter les mesures ordonnées par le juge, sous peine de sanctions. Ils ont cependant la possibilité d’interjeter appel dans un délai d’1 mois à compter de la notification du jugement, s’ils contestent tout ou partie de la décision.

Exemple : Après 18 mois de procédure, le juge prononce le divorce de Sophie et Franck sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal. Il condamne Franck à verser une prestation compensatoire de 50 000 € à Sophie. Franck conteste ce montant et fait appel. Le délai d’appel étant suspensif, il n’aura pas à régler la prestation compensatoire tant que la Cour d’appel n’aura pas statué.

À noter : En cas de difficultés financières, le conjoint débiteur d’une prestation compensatoire peut demander des délais de paiement au juge de l’exécution, pour étaler son règlement jusqu’à 24 mois maximum. Au-delà de 24 mois, il faut l’accord de l’ex-époux bénéficiaire.

Les démarches post-divorce à ne pas négliger

Une fois le divorce prononcé, plusieurs démarches doivent être effectuées pour tirer les conséquences de la dissolution du mariage. En premier lieu, il faut faire modifier son livret de famille auprès de la mairie pour y faire inscrire la mention du divorce. L’époux qui avait pris le nom de son conjoint lors du mariage doit également changer ses papiers d’identité s’il renonce à porter ce nom.

Sur le plan pécuniaire, il faut procéder à la liquidation du régime matrimonial, c’est-à-dire au partage des biens communs des époux en cas de communauté. Cette étape est cruciale, car elle détermine les droits de chacun et peut avoir de lourdes conséquences financières et fiscales. Il est donc vivement conseillé de se faire accompagner par un notaire, surtout si le patrimoine du couple est important.

Enfin, les ex-époux doivent penser à réviser leurs contrats d’assurance-vie et de mutuelle pour retirer la mention de l’ex-conjoint comme bénéficiaire. De même, les donations entre époux consenties durant le mariage deviennent automatiquement caduques avec le divorce, sauf volonté contraire. Il faut donc les révoquer formellement si l’on veut les maintenir.

Exemple : Après leur divorce, Sandrine et Luc procèdent au partage de leurs biens communs, dont leur résidence familiale. Ils décident de la vendre et de se partager le prix à 50/50. Sandrine révise également son contrat d’assurance-vie pour retirer Luc de la clause bénéficiaire, et modifie sa mutuelle pour basculer sur un contrat individuel.

Des ressources pour surmonter la séparation

Sur le plan psychologique, le divorce est souvent une épreuve douloureuse, même lorsqu’il intervient après une longue séparation. Les ex-conjoints peuvent ressentir de la colère, de la culpabilité ou un sentiment d’échec, en particulier s’ils ont des enfants. Il ne faut pas hésiter à se faire aider pour traverser cette période difficile.

De nombreuses associations proposent des groupes de parole et un soutien psychologique aux personnes divorcées, comme l’APGL (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens) ou l’ASFAD (Association de soutien aux familles en difficulté). Des thérapeutes et coachs spécialisés dans le divorce peuvent également vous accompagner sur le chemin de la reconstruction.

Bon à savoir : Certaines entreprises et mutuelles proposent un accompagnement psychologique à leurs salariés/adhérents en cas de divorce, dans le cadre de leur politique RH ou de leurs garanties. Renseignez-vous auprès de votre employeur ou de votre complémentaire santé.

Le divorce est donc un processus long et complexe, qui ne se limite pas à la procédure judiciaire. Il implique de nombreux changements matériels, financiers et émotionnels pour les ex-conjoints et leurs enfants.

S’il est souvent synonyme de souffrance, il peut aussi permettre de prendre un nouveau départ et de se reconstruire positivement. L’essentiel est de bien s’entourer, tant sur le plan juridique que personnel, pour aborder au mieux cette étape de vie majeure.